[Appel à contribution] Le Caucase et l'Asie centrale, vingt ans après les indépendances : Questionner la notion de « Sud(s)»

Appel à contribution

Le Caucase et l'Asie centrale, vingt ans après les indépendances:

Questionner la notion de «Sud(s)»

Colloque international, Almaty, 25-27 août 2011

Il y a vingt ans, à la suite de l'éclatement de l'URSS, les pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) et du Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie) accédaient à l'indépendance. Créées entre 1924 et 1936, les républiques centre-asiatiques connurent alors une souveraineté inédite, acceptée plus que recherchée, tandis que les Etats caucasiens, où des mouvements nationalistes puissants s'étaient développés durant la perestroïka, s'inscrivaient dans une histoire nationale plus ancienne. Au cours du XXe siècle, ces républiques socialistes soviétiques avaient été intégrées dans le système de production et d'échanges unifié, organisé à l'échelle de l'URSS selon les principes de la planification socialiste. Dans ce cadre, elles avaient disposé des ressources et de la politique de développement de l'Etat soviétique. À ce titre, malgré leurs carences, les républiques caucasiennes et centre-asiatiques appartenaient au monde développé dans la partition géopolitique du monde bipolaire. Le Caucase et l'Asie centrale avaient pu faire figure de modèle sinon de vitrine pour certains pays du tiers-monde, d'autant que l'URSS apportait son aide aux pays en voie de développement en lutte contre l'impérialisme.

Depuis la disparition de l'URSS et de la division Est-Ouest, l'opposition Nord-Sud est apparue comme une des grandes grilles de lecture de la scène internationale. Alors que la confrontation idéologique et stratégique entre les mondes capitaliste et socialiste structurait les récits géopolitiques durant la guerre froide, cette appréhension des discontinuités de l'espace mondial renvoie davantage aux inégalités de développement. Apparue dans les années 1970, la notion de «Sud» avait en effet succédé aux catégories de «pays du tiers-monde» ou «pays en voie de développement» par opposition au «Nord», constitué des pays développés et industrialisés. Par la suite, l'expression «les Suds» s'est imposée, de façon à rendre compte de la diversité de cet ensemble hétérogène qui comprend aussi bien les pays émergents que les pays les moins avancés. Dans ces nouvelles lignes de partage du monde contemporain, mondialisé et régionalisé, où se situent les Etats indépendants d'Asie centrale et du Caucase?

Il existe peu de tentatives d'interroger les grilles d'analyse élaborées pour étudier les Suds, dans le cadre des recherches portant sur les évolutions contemporaines de l'Asie centrale et du Caucase. Pourtant, à la suite de la crise survenue au tournant des années 1990, dont l'ampleur – économique, sociale, politique – fut exceptionnelle, les pays centre-asiatiques et caucasiens nouvellement indépendants ont pu être rattachés aux «Suds» par les institutions internationales comme par les organisations non gouvernementales. L'assistance internationale destinée aux républiques centre-asiatiques et, dans une moindre mesure, caucasiennes a ainsi eu tendance à glisser au cours des années 1990 de l'aide à la «transition» vers l'aide au développement. A cet égard, l'Asie centrale et le Caucase auraient suivi une trajectoire post-soviétique tout à fait originale, leur insertion dans la mondialisation pouvant s'apparenter à une forme de «tiers-mondisation». Aussi la limite entre les «Nords» et les «Suds», localisée auparavant sur la frontière de l'URSS, serait-elle désormais située sur la frontière méridionale de la Russie. Opposant ancienne métropole et anciennes colonies, une approche en termes de «Suds» s'inscrit dans un schéma post-colonial qui invite à questionner la dimension impériale de l'URSS et à mobiliser les approches théoriques (théorie de la dépendance, post colonial studies, etc) à travers lesquelles ont été pensés les «Suds».

Les trajectoires contemporaines de l'Asie centrale et du Caucase incitent également à articuler la problématique du développement aux questionnements sur la mondialisation. En particulier, elle demande d'analyser le paradigme de la transition, qui fut développé par les organisations internationales au cours des années 1990 pour substituer au modèle socialiste un système politique organisé sur des bases démocratiques, une économie fondée selon des principes capitalistes libéraux et un positionnement géopolitique euro-atlantique, et sa mise en œuvre. Les dynamiques économiques et sociales tendent à invalider cette notion téléologique qui a conditionné le développement et orienté l'insertion dans les mécanismes de la mondialisation des pays centre-asiatiques et caucasiens. Toutefois, questionner les politiques de la transition demeure essentiel pour évaluer le glissement vers le «Sud» opéré par les Etats d'Asie centrale et du Caucase depuis leur accession à l'indépendance.

La période actuelle s'apparente à un moment de diversification et d'individualisation des sociétés, des économies et des territoires sur la base des Etats nouvellement indépendants. A cet égard, interroger les transformations contemporaines dans leur complexité implique non seulement de prêter une attention soutenue à la diversité des acteurs politiques, économiques et sociaux mais également de tenter d'identifier les lignes de fractures qui désormais segmentent les territoires et les sociétés d'Asie centrale et du Caucase.

Le colloque «Le Caucase et l'Asie centrale, vingt ans après les indépendances. Questionner la notion de "Sud(s)"» a pour ambition d'interroger la pertinence des outils heuristiques élaborés à partir de terrains situés au «Sud», mais aussi de la notion même de «Sud(s)» pour appréhender les périphéries méridionales de l'espace post-soviétique. Il entend réunir des chercheurs de toutes les disciplines des sciences sociales (sociologie, histoire, sciences politiques, géographie, anthropologie, démographie, économie). Cette diversité doit permettre de confronter les approches et d'appréhender la complexité des itinéraires suivis, depuis une vingtaine d'années, par les pays d'Asie centrale et du Caucase.

Thèmes

La formation des Etats: des problématiques post-coloniales?

- la formation des territoires républicains: histoire des frontières, politique et mise en œuvre des frontières, territoires autonomes, structuration politique de l'espace.

- La structuration des champs politiques: création des appareils étatiques républicains, régionaux et locauxau moment de la soviétisation; ethnicisation et confessionnalisation des questions politiques,

- transformation des élites soviétiques et post soviétiques, émergence des nouveaux acteurs et de nouvelles ressources politiques (ONG…),

Inégalité et pauvreté: des sociétés «tiers-mondisées?

- Paupérisationet différenciations sociales; ségrégation-agrégation socio-spatiale; les inégalités villes-campagnes;

- Les migrations de travail: causes socioéconomiques et politiques de la mobilité (pauvreté, conflits, etc.); mise en œuvre des politiques publiques; trajectoires de vie et stratégies des migrants; conséquences sociales, démographiques et économiques de la migration dans les pays d'origine et d'accueil.

- Les questionnements sur la définition des Suds par l'approche de la transition démographique (fécondité, mortalité, espérance de vie, etc.).

L'insertion géopolitique internationale. Des Suds dominés?

- Jeu des puissances mondiales et régionales, notamment l'ancienne métropole, la Russie;

- Positionnement des organisations internationales;

- Rôle des entreprises transnationales;

- L'ambition internationale de certains Etats d'Asie Centrale et du Caucase;

- Les alliances régionales;

Mondialisation économique. Des Suds exploités?

- réorientation des échanges économiques et commerciaux;

- politiques publiques économiques et rôle des entrepreneurs nationaux et internationaux: appropriation et exploitation des ressources centre-asiatiques et caucasiennes;

- façonnement de l''économie de renteet lien avec le développement;

- Le secteur informel et la «mondialisation par le bas».

Organisation:

Le colloque « Le Caucase et l'Asie centrale, vingt ans après les indépendances. Questionner la notion de "Sud(s)" » se tiendra à Almaty, les 25, 26 et 27 août 2011.

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 15 janvier 2011 à l'adresse suivante:
colloque.sudsov / arobase / gmail / point / com
Elles pourront être écrites en français, anglais ou russe. Elles comprendront un titre, un résumé de 2000 signes environ, et un bref CV. Une réponse sera donnée avant le 28 février 2011 par le comité d'organisation.

Les langues de travail seront l'anglais et le russe.

Institutions organisatrices:

- Centre d'étude des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC) (Centre National de la Recherche Scientifique/Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris),

- Institut d'orientalisme de l'Académie des sciences de la République du Kazakhstan, (Almaty),

- Agence Nationale de la Recherche, Programme «Sudsov» (Paris),

- Institut français d'études sur l'Asie centrale (Tachkent),

- Centre franco-russe de recherche en sciences humaines et sociales (Moscou).

Comité d'organisation :

Sophie Hohmann CNRS-CERCEC/INED,

Anne Le Huérou, CNRS-CERCEC,

Isabelle Ohayon, CNRS-CERCEC,

Amandine Regamey, Université Paris 1/CERCEC,

Silvia Serrano, Université d'Auvergne/ CERCEC,

Nazigul Shajmardanova, Institut d'orientalisme de l'Académie des Sciences du Kazakhstan,

Julien Thorez, CNRS-Mondes iranien et indien.

Comité scientifique international:

Serguey Abachin, Institut d'ethnologie et d'anthropologie de l'Académie des sciences de Russie, Moscou,

Mohammad-Reza Djalili, Institut universitaire de Hautes Etudes Internationales et du Développement de Genève,

Alexandre Iskanderyan, Caucasus Institute, Erevan,

Sanat Kouchkoumbaev, Institut d'Etudes stratégiques du Kazakhstan, Almaty,

Vladimir Mukomel', Institut de Sociologie de l'Académie des sciences de Russie, Moscou,

Claire Mouradian, CNRS-CERCEC, Paris,

Ghia Nodia, Caucasus Institute for Peace, Democracy and Development (CIPDD)/Université Ilia, Tbilissi,

Saodat Olimova, Centre Sharq, Douchanbe,

Jean Radvanyi, Centre franco-russe de recherche en sciences humaines et sociales, Moscou

Les participants ne bénéficiant pas de financements propres pourront adresser au comité d'organisation une demande de prise en charge.


Date limite