Avatāra de l’Inde dans l’œuvre d'Octavio Paz. Poésie et poétique

Auteur
Caroline Dubois
Les séjours du poète et essayiste mexicain Octavio Paz (1914-1918) en Inde, d’abord en 1951-1952, puis en tant qu’ambassadeur entre 1962 et 1968, ont eu un impact considérable sur sa production littéraire, donnant aussi la mesure de cette expérience dans sa vie. De ce dialogue des Indes occidentales et orientales naîtront « Mutra » [1952], Ladera este [1962-1968], « Blanco » [1966] ou encore El mono gramático [1970]. Désignée par l’auteur pour rendre compte de sa compréhension empirique et sensible de l’Inde, la poésie apparaît comme le matériau privilégié pour interroger l’empreinte réciproque laissée en ce point de contact et pour mesurer selon quelles modalités s’incarne dans le texte le croisement des cultures. La rencontre d’un Orient indien et d’un Occident latino-américain reconfigure les dichotomies ordinaires, d’où émerge une autre image de l’altérité. Cette transformation prend forme dans le remaniement de concepts et d’images appartenant à un imaginaire mythologique, philosophique ou religieux de l’Inde autant qu’à une réalité concrète inscrite dans des visages, des pratiques ou des paysages. L’apport de l’indianisme, encore sous- exploité par la critique, nous a été d’un grand secours. L’univers poétique pazien prend en effet les traits cosmogoniques d’un saṃsāra revisité, dont le poète, le lecteur et l’homme doivent faire l’expérience. Empruntant aux mythes de création d’Inde et d’Occident, le poème dit des commencements où se joue la tension originelle et actuelle entre mondes phénoménaux et forces célestes. Pour traverser l’existence, tel un avatāra, et faire l’épreuve de la chair du monde, le corps, outil de connaissance divinisé, fait accéder à la révélation, grâce au principe féminin glorifié. À travers les codes du tantrisme, il rend compte d’une vitalité première, sacrée, inhérente à l’homme, aux manifestations totales de la création et au langage-démiurge. Le pouvoir de création se love dans l’écart entre un désir d’expansion et une tentation de l’Un, en lutte avec la question du multiple. Les différents processus en jeu dans la matière poétique se prolongent dans l’exubérance d’une natura naturans ou dans le mécanisme du poème conceptuel. Ils donnent à voir dans l’Inde une autre Babel, où se joue dans la langue le destin du monde. Le poème, dans sa dimension rituelle, rejoue inlassablement le sacrifice primordial par lequel les mondes se composent et se décomposent, et répartit l’élan vital. La poésie d’Octavio Paz dessine ainsi les contours d’une Inde-monde en laquelle se dévoile le réel — la multiplicité et l’hybridité de l’ensemble de la création.
Tutelle
Lille 3
Sous la direction de
Paul-Henri Giraud
Disciplines
Langues et littérature romanes
Lien depuis theses.fr
Langues
fr
Mots-clés
Octavio Paz (1914-1998)
Poésie mexicaine du XXe siècle
Inde
Orient dans la littérature
Écriture de l'Ailleurs
Paz
Octavio (1914-1998)
Critique et interprétation
Poésie mexicaine
Histoire et critique
20e siècle