COLLOQUE INTERNATIONAL ASIATIQUES ET PROVENÇAUX. REGARDS CROISÉS

L’imaginaire exotique des Provençaux s’est, pendant des siècles, nourri de la fascination de l’Empire ottoman, de la fréquentation des Echelles du Levant ou des relations avec les ports du Maghreb : avant le XIXème siècle, les relations avec l’Asie orientale passaient plus volontiers par l’Atlantique que par la Méditerranée. Après les guerres de l’opium toutefois (1840 puis 1860, où un système de transbordement est mis en place entre la Méditerranée et l’Océan indien) et surtout après l’ouverture du canal de Suez en 1869, Marseille et Toulon deviennent les têtes de pont vers l’Extrême-Orient, supplantant seulement alors Bordeaux ou Lorient. A partir de ce moment, de nombreux Provençaux se sont établis en Asie tout en conservant des liens avec leur petite patrie, ce qui a entraîné un flux d’informations, de pratiques culturelles (arts, architecture, cuisine, botanique) de l’Extrême-Orient vers la Méditerranée, flux mal enregistré car lié à des pratiques informelles. Ces flux se sont perpétués lorsque ces Provençaux sont revenus sur les bords de la Méditerranée où ils ont amené des pratiques et des goûts exotiques ; ils ont été renforcés par le fait que de nombreux non-Provençaux se sont établis sur les bords de la Méditerranée une fois revenus d’Asie : administrateurs ou diplomates retirés à Nice, militaires installés à Fréjus ou à Toulon, villes où ils stationnaient lorsqu’ils étaient en métropole et où ils s’étaient parfois mariés. En sens inverse, des travailleurs asiatiques, des étudiants asiatiques et, pendant les guerres, des combattants asiatiques ont longuement séjourné en Provence, s’y sont parfois établis définitivement, y ont en tous cas amené leurs pratiques culturelles tout en se livrant à des observations sur cette Provence où ils vivaient. Ce flux s’est perpétué pendant la période post-coloniale, après 1954 où les liens avec la République du Vietnam n’ont pas été rompus (la ligne des Messageries maritimes jusqu’au Japon est restée ouverte jusqu’à la fin des années 1960 notamment), puis par le biais des flux de réfugiés après 1975, ce dont témoigne le nombre des associations asiatiques. Il ne faut pas toutefois surévaluer les traces de ces relations : la rue d’Alger à Toulon ou la porte d’Orient à Marseille ont une place bien plus importante dans la topographie urbaine que la rue de Sontay à Aix-en-Provence ou que le parc de l’Indochine à Nice et la fête de l’Aïd el-Kebir est très certainement célébrée plus massivement en Provence que la fête du Têt. Aussi, l’objectif du colloque n’est pas de montrer l’universalité des traces extrêmeorientales en Provence, mais d’approcher les transmissions de pratiques au sein de groupes humains qui ont toujours été minoritaires, transmissions qui s’effectuent donc le plus souvent dans la sphère privée et la façon dont ces pratiques sont perçues dans le monde extérieur : l’observation des traces nombreuses, matérielles et immatérielles qu’ont laissées les relations entre la Provence et l’Extrême-Orient suggèrent en effet un enracinement dans les mentalités, en Asie aussi bien qu’en Provence. Ce type de transmission silencieuse et de pratiques privées a le plus souvent été étudié dans les années 1970 et 1980, pour des groupes humains dominés socialement ou politiquement1, tels les paysans de villages reculés d’Italie ou les ouvriers allemands vivant au sein d’une dictature. Pour ces derniers, Alf Lüdtke avait inventé le terme Eigensinn, généralement traduit en Français par ‘domaine réservé’ ou ‘quant-à-soi’2. Il s’agira ici d’approcher ce ‘quant-à-soi’ des Asiates installés en Provence, qu’ils soient originaires de Provence, d’Europe ou d’Asie et, si possible, le quant à soi des Asiates retournés en Asie après avoir séjourné en Provence. Ces pratiques silencieuses sinon occultées laissent relativement moins de traces que les actes des administrations ou de l’armée, ce qui pose la question des sources pour l’histoire de ces groupes, mais aussi de l’histoire tout court. Une des caractéristiques des sources européennes concernant l’Asie est qu’elles sont essentiellement administratives, militaires et diplomatiques, dans une proportion plus grande encore que pour d’autres champs de la recherche historique, par le fait notamment que les administrations coloniales étaient extraordinairement prolixes. Le second objectif est de dresser un inventaire des ressources disponibles en Provence quant aux études asiatiques : fonds d’Archives publiques naturellement (Archives nationales d’Outre Mer à Aix, Troupes de Marine à Fréjus, IIIème Région maritime à Toulon, Archives départementales), archives privées (Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille, archives d’entreprises) et surtout des sources privées (familiales ou déposées dans diverses institutions locales, comme les Amis du Vieux Toulon). Le troisième objectif concerne les mémoires et patrimoines qui nous sont parvenus après une longue histoire commune entre les communautés issues de pays asiatiques et les populations locales. Les humanités numériques seront d’un grand recours pour les historiens dans l’exploration de ces sources, nouvelles ou non, qui peuvent être menacées de disparition irrémédiable si rien n’est fait dans les années à venir.

Les propositions de communication (300 mots environ) devront être envoyées à Gilles de Gantès (g.de-gantes@laposte.net) et Nguyen Phuong Ngoc (nguyenpngoc@yahoo.fr) avant le 15 avril 2020, accompagnées d’une courte bio-bibliographie.

Les réponses seront envoyées le 4 mai 2020.

Le colloque se tiendra à l’Université Aix Marseille, Marseille, les 22 et 23 octobre 2020.

Contacts

Gilles de Gantès (Dr agrégé en histoire, IRASIA) 06 95 34 78 13 ; g.degantes@laposte.net

Nguyen Phuong Ngoc (MCF HDR, AMU, IRASIA) 06 60 08 36 93 ; nguyenpngoc@yahoo.fr

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AMU, Marseile, France