Entre reconnaissance et rejet : mémoires plurielles du bombardement atomique de Nagasaki

Auteur
Isabelle Perrot
Il est 11H02, le matin du 9 août 1945, lorsque le bombardier américain Bockscar lâche une bombe au plutonium 239, Fat Man, sur la ville côtière de Nagasaki. Trois jours plus tôt, la bombe à l’uranium 235 que les États-Unis ont larguée sur le centre-ville d’Hiroshima, Little Boy, a causé la mort d’environ 150 000 personnes et en a blessé 80 000 autres. À Nagasaki, le missile explose au-dessus du quartier d’Urakami, tuant 74 000 et blessant 75 000 des 240 000 habitants que la ville compte alors. Nagasaki devient la deuxième (et, à ce jour, la dernière) ville de l’Histoire à avoir été réduite en cendres par une bombe atomique.L’utilisation pour la première fois en 1945 du nucléaire, dont la spécificité en tant qu’arme de contamination le distingue d’autres types de désastres, a été à l’origine d’une véritable rupture avec le passé, au point que de nombreux auteurs n’ont pas hésité à qualifier les bombes atomiques de début d’une nouvelle ère. Depuis 1945, le bombardement de Nagasaki a engendré un processus de mise en mémoire et de commémoration aussi spécifique que polymorphe, en dépit des multiples difficultés auxquelles se sont heurtés ses rescapés (censure, discrimination, manque de reconnaissance et d’assistance officielle, pour ne citer qu’elles). Une pluralité de mémoires s’y sont construites en creux du récit mémoriel officiel et du message institutionnalisé pour la paix, et demeurent aujourd’hui le sujet d’un retravail constant.Le 9 août 2022 a marqué le 77e anniversaire de la destruction de Nagasaki. Les personnes officiellement répertoriées au Japon en tant que survivants des bombes atomiques (hibakusha), d’un âge moyen de 84 ans, étaient au nombre de 127 755 à la fin du mois de mars 2021, dont 24 054 dans la ville de Nagasaki et 9 189 dans le reste de la préfecture. Loin de la vision monolithique du survivant présentée par certaines infrastructures commémoratives, elles et ils ont trouvé leur propre façon de coexister avec les séquelles mentales et physiques de leur vécu. Certains se sont murés dans un silence qu’ils ne briseront jamais ; d’autres ont choisi de s’impliquer dans des activités militantes ou de transmission de leur vécu. Nous nous trouvons aujourd’hui à une époque considérée comme charnière par beaucoup à Nagasaki car elle voit s’éteindre peu à peu les témoins de l’événement, et où la problématique de la transmission de la mémoire du désastre nucléaire est au cœur des préoccupations. Dans ce contexte, cette thèse, au croisement de l’anthropologie politique de la mémoire et de celle de la catastrophe, et ancrée dans une ethnographie menée sur place entre 2016 et 2019, se propose d’interroger la manière dont, au cœur de temporalités multiples, les mémoires plurielles de la tragédie atomique coexistent et se confrontent à Nagasaki depuis 1945.
Tutelle
Paris, EHESS
Sous la direction de
Véronique Bénéï
Mary Picone
Disciplines
Anthropologie sociale et Ethnologie
Lien depuis Sudoc
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Langues
fr
Mots-clés
Victimes de la bombe atomique
Mémoire collective
Bombe atomique -- Anthropologie
Nagasaki (Japon) -- 1945 (Bombardement)
Mémoire
Transmission
Survivant (hibakusha)
Bombe atomique
Nagasaki
Japon