Février 2002 - La diversité asiatique, au centre du grand chantier de l'avenir

Légende de photo :
Près de Lanzhou (Province de Gansou), un glissement d'âge historique, remontant sans doute au 12ème siècle, est occupé par un village entouré de ses terrasses de culture. En 1992, un glissement secondaire s'est produit à sa partie inférieure. Il se réactive chaque été, à la saison des pluies, barrant la route et menaçant le fond de la vallée.


L'Asie : Immense, peuplée et déserte à la fois, opulente et pauvre, démocratique et dictatoriale, hyper technologique et arriérée, pacifique et guerrière, amicale et menaçante. Tous ces qualificatifs sont exacts à la fois car ils concernent des pays si différents et si éloignés que l'on est tenté de se demander si parler de l'Asie a encore un sens. Qu'est-ce que l'Asie ?
L'espace traditionnel de l'Asie donné par la géographie comme un continent représente 44 millions de km2 (soit 30% des terres émergées). Le Réseau Asie, qui s'est constitué à la MSH, a limité cet espace. Il ne commence pas au Bosphore et au canal de Suez mais il comprend un ensemble de pays allant de l'Afghanistan à l'ouest, au Japon à l'Est, à la Sibérie russe extrême-orientale au nord à l'Indonésie et à la Papouasie Nouvelle-Guinée au sud soit au total 32 pays. Cet espace volontairement limité regroupe des pays qui partagent des valeurs, des influences religieuses morales ou politiques. C'est par exemple le bouddhisme qui, parti du Nord de l'Inde, a circulé jusqu'au lointain Japon en passant par la Chine et la Corée. C'est le confucianisme dont l'influence est si grande en Chine où il est né mais aussi en Corée, au Japon et au Vietnam dans ce que l'on nomme l'Asie des baguettes car on y mange du riz depuis des centaines d'années. Circulation des idées religieuses ou morales mais aussi circulation des marchandises comme la soie, des plantes comme le riz, né probablement en Inde et que l'on cultive au nord jusque dans le Hokkaidô nippon. C'est le thé également que tous les Asiatiques boivent quotidiennement. Ce sont des visages, des manières de vivre, un rapport au temps et aux autres révélant des différences mais aussi des points communs.
Le dynamisme des pays, qui se mesure en termes de PIB ou de PNB, de production industrielle, d'innovation technologique, de matières premières et de courbes de croissance emporte l'Asie dans une compétition mondiale dont les effets pervers se font parfois sentir cruellement. Et l'on ne retient souvent de l'Asie que ses performances ou ses échecs, sa progression ou son recul.
Pourtant cette Asie en proie à des conflits armés, à des dictatures violentes comme en Corée du Nord est aussi celle de la démocratie, ancienne au Japon, récente en Corée ou à Taiwan. Il est fort probable qu'elle sera dans une ou deux décennies le challenger redoutable des deux grands pôles industriels avancés que sont les Etats-Unis et l'Europe. Ces deux cultures occidentales représentent aujourd'hui plus de la moitié du PNB du monde. Il y a l'Europe des quinze aujourd'hui, des 27 demain à laquelle s'ajoutera la grande Russie peut-être après demain . Au total plus de 780 millions d'habitants.
Les Etats-Unis dans le cadre de leur accord d'échanges, ALENA, avec le Mexique et le Canada représentent un grand marché où le pouvoir d'achat est élevé.
Mais l'Asie est là aussi et prendra chaque année une place de plus en plus forte au sein du monde industrialisé et parmi les pays puissants financièrement et militairement. Le taux de croissance de l'Inde et de la Chine pour ne parler que des deux pays les plus peuplés de l'Asie est de 7% par an en moyenne et leurs deux populations additionnées approchent les 2 milliards et demi d'individus. Dans un contexte d'économie mondiale où les personnes sont aussi des consommateurs, l'espace marchand que représente l'Asie est colossal.
Et même si tout ne peut pas se mesurer à la seule aune des tableaux de bord économiques, ils sont néanmoins cruciaux car la croissance conditionne la stabilité et favorise l'émergence de classes moyennes, terreau d'un enracinement durable de la démocratie. Cette modernité se développe dans des pays non occidentaux, aux langues et aux cultures variées. Il est important de comprendre tout à la fois leurs diversités et leurs points de convergence. Quels liens entre le Tibet et la Mongolie, entre le Népal et le Vietnam, entre l'Indonésie et l'Inde ? C'est l'ambition du Réseau Asie d'apporter sa contribution à l'effort de valorisation des enseignements et des recherches commencés de longue date sur l'Asie et de participer à la multiplication des échanges entre les chercheurs et experts. Une vaste base de données permettra à chacun de mieux voir le travail de l'autre et favorisera des études transversales capables de faire émerger les contours de l'Asie dans son passé mais aussi dans son devenir. Le Réseau Asie souhaite réunir les compétences les plus diverses : l'histoire, la sociologie ou l'anthropologie par exemple, peuvent aider à comprendre un fait mieux que des explications interchangeables et engluées dans le présent et le quotidien. L'Asie est ancienne, extrêmement variée et riche d'un avenir prometteur. Toutes les compétences, tous les savoirs sont requis pour aider à mieux comprendre l'évolution rapide de la moitié de la population mondiale.

Image
Couverture
février 2002
Jean-François Sabouret
Directeur de recherche au CNRS, CERLIS/ ParisV