La diversité des capitalismes asiatiques: regards croisés dans un contexte de globalisation

Colloque international

Lille 13-15 juin 2018

Le bouleversement des structures sociales en Asie à partir de la seconde moitié du 20e siècle est manifeste, imposant à la recherche la question de ses dynamiques et de leur caractère endogène et/ou exogène. Un regain d’intérêt pour les modèles d’analyse socio-économiques construits autour de la notion de capital en a multiplié les abords, en particulier à propos de la description critique de ce qui se donne pour le «développement» et la «croissance», qui peuvent plus objectivement se mesurer par leur ravages écosystématiques, la ruine des tissus sociaux et leurs modalités de recomposition.

Bien plus sujettes à l’observation et à l’analyse scientifique, l’exode rural, la surpopulation des mégalopoles et la constitution de bidonvilles et de toutes sortes de dispositifs carcéraux, sont, avec la modification des structures du travail et la spécialisation des régions dans une intégration globale, les indices patents de ces bouleversements qui prennent la forme d’un transfert de biens et de transferts de main d’œuvre à l’échelle mondiale.

Dans ce contexte, la percée fulgurante du facteur chinois ne peut pas faire oublier l’extraordinaire diversité des motifs sociaux, étatiques, religieux, institutionnels traditionnels ou cyniquement modernistes, qui indépendamment des rationalisations qui leur sont propres, alimentent sans cesse le flux du capital.

  1. L’Axiologie et les nouveaux capitalismes en Asie: entre accumulation, profit et dépossession

Ce thème traverse différents axes de la conférence, en particulier les dimensions locales, nationales, régionales, internationales, et concerne aussi la question de l’influence de l’Etat. Il résulte de l’observation de formations capitalistes à des échelles très différentes, depuis des traditions de négoce anciennes et localisées le long de trajets de commerce, ou à des frontières entre des sociétés mutuellement étrangères les unes aux autres (par exemple, les sociétés «hindoues» et les sociétés «bouddhistes »), jusqu’à des réseaux internationaux restant liés à leurs berceaux d’origine et greffés maintenant sur les organisations modernes de l’exploitation capitaliste. Comment les populations de régions minoritaires des grands Etats asiatiques, ou colonisées intérieurement, comme les tibétains et les populations bouddhistes et/ou chamanistes des régions frontalières de la Chine et de l’Inde, par exemple, s’intègrent-elles aux processus de mutation? Comment l’entrepreneuriat fortement lié à des thématiques religieuses et/ou identitaires (entrepreneurs sherpas du Népal, marwaris de l’Inde etc.,), toutes figures de businessmen fortement liées à des réseaux migratoires internationaux, peut-il se définir comme œuvrant simultanément à la réussite des affaires et la progression de la religion? Pourront également être étudiées toutes formes d’investissements ou de réinvestissements monétaires et/ou de salaires dans des services intermédiaires, qui finissent dans certains cas par modifier considérablement la figure des Etats d’origine (par exemple, les investissements de temples tibétains à Taïwan). Ces nouvelles dynamiques façonnent les formes de capitalisme que nous voulons étudier, entre profit et don, trafics traditionnels et toutes formes de nouvelles entreprises à caractère marchand. L’examen scrupuleux de ces différents cas apparemment disparates nous offre une perspective pour définir le «capital». Il s’agit, dans tous les cas, d’une prédominance de l’argent, qui tend à en produire plus encore, et cette tendance hégémonique ne peut exister que liée à la domination de milieux sociaux de plus en plus larges, par cette même dépendance à l’argent.

  1. Conséquences nationales de l’intégration régionale

La rapidité de l’insertion dans la mondialisation des économies émergentes d’Asie, leur diversité (en termes de niveau de vie, de taille, de spécialisation) et leurs étroites interrelations, en particulier avec le Japon et les NPI devenus pays développés pose de nouvelles questions académiques. Celles-ci s’expriment en termes d’intégration régionale, cf. Yang Jiang (Sub-regional Economic Integrations), John Ravenhill (The New East Asian Regionalism: Much Ado About Nothing?). Approfondir les connaissances à ce titre semble intéressant, avec un accent mis sur le lien avec le développement local des différents pays. Le développement local participe à la diversité des systèmes économiques et sociaux singuliers.

  • Les effets de la puissance chinoise

Par rapport à l’intégration régionale et mondiale comme le montrent R. Boyer (How Does China's Growth and Innovation Strategy Affect the World Economy?) ou Yang Jiang (China’s Move to Preferential Trading), le poids de la Chine est sans doute à traiter à part. Les effets locaux de la nouvelle puissance chinoise sont innombrables et parfois extrêmement sensibles. Qu’elle se fasse sentir par l’intermédiaire du commerce, des investissements, des multinationales, de la coopération économique ou de la diffusion de nouvelles normes économiques et politiques, dans le paysage régional, la Chine est aujourd’hui un vecteur de changements.

  • La mutation rapide des sociétés asiatiques

L’évolution des sociétés asiatiques se décline de multiples façons : l’amélioration des conditions de vie, la dynamique des inégalités, les migrations, les problèmes environnementaux, l’urbanisation ou encore les mutations des sociétés agraires. Par exemple, des mouvements d’homogénéisation liés à la diffusion des normes de concurrence chinoises (diffusion des marchandises issues de ce pays) s’opèrent. Les différents pays adoptent tous des modèles où les coûts deviennent un indicateur partagé, et en même temps, ils mettent en œuvre des stratégies spécifiques pour affronter cette concurrence. La finance islamique en Malaisie, le capitalisme agraire indonésien par exemple, illustrent parfaitement cette assertion.

  1. La question du rôle de l’Etat

Les travaux pionniers et déterminants de Wade (Governing the Market), d’Alice Amsden (the Rise of the Rest), de Peter Evans, T.Sckokpol et E. Rushmeieir (Bringing the State Back In), de K.S. Jomo (A Question of Class) ou Ha Joon Chang (Institutional Development) nous semblent trop peu connus, ou en tous les cas rarement cités en dehors des publications proprement consacrées au développement asiatique. Or ils ont fortement participé à l’essor d’un institutionnalisme en économie politique contemporaine américaine, britannique et asiatique. Leurs travaux articulent des recherches sociologiques, économiques, politistes et historiennes d’une manière singulière afin de mieux comprendre les mutations contemporaines. Par ailleurs, les études de cas de «l’Etat développeur» en Asie peuvent trouver une expression, à travers l’étude de politiques économiques au long cours, en particulier le rôle des programmes de planification en Asie (Inde, Malaisie,etc.).

La crise de 1997 et les réponses différenciées des Etats, aux recommandations et conditions posées par le FMI, peuvent être comparées aux réactions publiques récentes face aux effets de la crise des subprimes. Le désengagement ou l’engagement supplémentaire de l’Etat dans l’activité économique pose de nombreuses questions.

Enfin l’étude des appareils bureaucratiques respectifs, de la transformation en cours des instruments du pouvoir sous l’effet de la mondialisation des normes de gestion publique (dont les vecteurs concrets restent à identifier) peuvent être un terrain à explorer.

  1. Entrepreneuriat et pouvoir politique

La question de la caractérisation des capitalismes en Asie est un sujet à la fois récurrent, pluridisciplinaire et cette perspective illustre l’étroite combinaison des aspects institutionnels, politiques et sociologiques. Très tôt par exemple, des formes singulières de capitalismes furent identifiées : le Crony Capitalism(«capitalisme de copinage», mettant à jour les collusions d’intérêt entre classes politiques et milieux d’affaire) ou le State Capitalism. La question du clientélisme et du patronage politique de l’économie est un chantier largement ouvert (en Malaisie depuis les années 90s). Il conviendrait de prolonger les recherches à la lumière des fortes avancées théoriques récentes formulées par Béatrice Hibou, qui pose en particulier la question de savoir «comment se conjuguent les logiques de domination et les logiques entrepreneuriales, financières, clientélistes, administratives, régionales, familiales, amicales, corporatistes ou individuelles, et quelles dimensions elles donnent aux relations et aux rapports de force internes à une société?» (Anatomie de la domination, 2011); mais aussi en soulignant l’importance de l’apport des classes d’entrepreneurs, comme l’avait montré G. Guiheux dans le cas de Taïwan (Les grands entrepreneurs chinois à Taïwan, 2002).

Calendrier et modalités de réponse

L’appel à communications est ouvert et une sélection des propositions sera réalisée par le comité scientifique.

Les étapes sont les suivantes:

  1. Date limite pour les propositions de panel: 30 octobre 2017
  1. Date limite d’envoi des propositions: 1er décembre 2017

Un résumé de 500 mots maximum doit être soumis en français ou en anglais, à la date limite du 1er décembre 2017 sur la plateforme accessible avec le lien suivant: http://asiancapitalism.sciencesconf.org.

Avec le résumé mentionner: adresse institutionnelle, statut, adresse email.

  1. Notification de décision du comité scientifique: 15 janvier 2018
  1. Date limite de remise des textes complets : 30 avril 2018

Les textes complets peuvent être en anglais ou en français.

La langue du colloque sera le français ou l’anglais.

Publication

Une sélection des textes présentés sera publiée dans les différentes langues du colloque.

Comité d’organisation

Pierre Alary (Université de Lille 1, CLERSE)

Brigitte Steinmann (Université de Lille 1, CLERSE, CRCAO et INALCO)

Lille (France)