À propos de l’événement
Depuis deux décennies, l'industrie du jeu vidéo constitue l'un des secteurs qui recrutent le plus en Corée du Sud. Les jeux, innombrables, requièrent un processus créatif long qui mobilise des dizaines de salariés et des compétences complexes à renouveler sans cesse. À partir de données ethnographiques recueillies lors d'un terrain mené au tournant des années 2010, nous chercherons à définir les spécificités d'une industrie pensée comme étant en rupture radicale avec la culture d'entreprise classique en Corée. Non seulement le secteur vidéoludique représente de nombreuses opportunités d'emploi, mais il attire beaucoup de jeunes Coréens désireux de transformer leur passion en métier. L'idée d'un travail-passion se combine avec une forme d'organisation qui repose sur une division du travail poussée, une forte segmentation des tâches, une planification précise de la chaîne opératoire censée aboutir à une efficacité technique maximum. Pourtant, cette organisation élaborée est contredite quotidiennement par des retards, des erreurs et des conflits qui sont, eux aussi, considérés comme relevant de la norme, voire de la nécessité en raison de la fragilité de l’objet et de l’entreprise. Ces imprévus systématiques contribuent à ériger l'urgence en norme, soutenue à la fois par l'idée d'un travail-passion justifiant les sacrifices et par une ambianceréputée plus détendue et amicale que dans les entreprises ordinaires. Les relations professionnelles et les relations d’affinité s’avèrent difficiles à démêler ; la gestion de l'urgence mobilise des composantes sociales qui relèvent à la fois de l'organisation professionnelle et d'affinités qui débordent largement l'entreprise. La hiérarchietente d’encadrer et d’encourager ces relations d’affinité pour renforcer les relations au sein d’une équipe. Si les employés regardent ces tentatives de récupérationavec dédain, on peut se demander si ces techniques de management n’ont pas une certaine efficacité, dans la mesure où elles renforcent certaines croyances, en particulier la nécessité des heures supplémentaires, de l’urgence, de l’engagement, et de la qualité, indépendamment des conditions de travail.