Les rires et sourires du Jingju et Kunqu. Contribution à l'analyse de la notion et de la représentation du rire dans le théâtre chanté chinois
Les rires et sourires du Jingju et Kunqu. Contribution à l'analyse de la notion et de la représentation du rire dans le théâtre chanté chinois
Le Jingju 京劇 (opéra de Pékin) et le Kunqu 崑曲 accordent une place importante à la représentation du rire, considéré par les acteurs comme un moyen privilégié pour exprimer les sentiments d’un personnage ainsi que pour rythmer la dramaturgie. Nous proposons, à partir de témoignages d’acteurs recueillis à Beijing, de présenter les principaux rires du répertoire dont une grande partie est manifestée dans le contexte d’émotions négatives. Dans une perspective de sémiologie théâtrale, nous analysons les versants signifiant et signifié de ce mode de langage. Nous explorons la dimension esthétique du rire par une analyse des paramètres vocaux, gestuels et musicaux qui le composent, tenant compte des spécificités des types de rôles, et abordons l’historicité de certaines techniques. L’étude des significations montre les diverses fonctions opérées pour l’interlocuteur et pour le spectateur. Interrogeant le rapport entre rire et émotions, nous verrons que de nombreux cas ne sont pas spontanés mais ont une fonction utilitaire, certains étant de type conatif ou stratégique. Cette étude fut inspirée par un des rares documents en la matière, une liste de 27 rires établie par Qi Rushan en 1935. Il généra un malentendu en Occident, induisant l’idée qu’il existe un nombre précis de modèles de rires dans le théâtre chinois. Une contextualisation du document éclaire sur les motivations de son auteur et une confrontation des sources permet de comprendre que les rires de ce corpus ne sont pas quantifiables et que les appellations ne renvoient pas à des formes fixes. Cet art vivant, tout en présentant une grande technicité, est régi par un principe de variabilité et de créativité.