S'approprier ses marges par le patrimoine mondial dans la province du Sichuan (Chine)

Auteur
Quentin Biville
La ratification de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel par la République populaire de Chine, en 1985, a permis au gouvernement chinois de s’insérer dans un processus patrimonial international, tout en poursuivant des objectifs nationaux en interne. Nous nous intéressons, dans cette thèse, aux projets d’appropriation du territoire de la province du Sichuan, menés sous couvert de patrimoine mondial. Les frontières administratives du Sichuan se sont en effet déplacées vers l’ouest au cours du XXe siècle, en intégrant progressivement des territoires de marges du plateau du Qinghai-Tibet, principalement peuplés de minorités ethniques tibétaines et qiang. Dans ce contexte, la constitution d’une identité culturelle pour ce nouvel espace provincial constitue un enjeu d’importance, et le patrimoine en est l’outil privilégié. Cette thèse se situe à l’interface de la géographie du développement, des heritage studies, de la géographie du droit et de la géopolitique. Elle s’intéresse à la construction d’un récit patrimonial sichuanais qui valorise la Chine des Han et replace la province (et ses frontières actuelles) dans un processus historique de construction nationale et d’intégration progressive des marges, par la mise en scène patrimoniale d’une interface entre Chine et Tibet. À l’échelle des sites, la matérialisation du droit sur l’espace montre à la fois des processus de désenclavement des territoires périphériques, par la mise en tourisme du patrimoine, et une tentative d’exclusion des populations locales, via le rachat des terres par l’État, le déplacement des populations et/ou la folklorisation des cultures locales. L’étude comparative de quatre des cinq sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco au Sichuan nous a ainsi permis de montrer l’établissement d’un gradient culture/nature d’est en ouest de l’espace provincial. Dans la plaine du Sichuan, depuis longtemps sinisée, le patrimoine sert à la mise en valeur d’une identité culturelle chinoise visant à montrer la cohérence du territoire provincial. Dans les contreforts tibétains, il met en valeur des patrimoines naturels valorisés en tant que paysages chinois, et tend à exclure les minorités du récit patrimonial. Ce faisant, l’Unesco constitue à la fois un instrument de légitimation pour les politiques patrimoniales de la Chine qui poursuivent des objectifs de valorisation du territoire national, et un lieu d’influence où le pays valorise et exporte ses propres catégories patrimoniales.
Tutelle
Paris 1
Sous la direction de
Thierry Sanjuan
Nadia Belaïdi
Disciplines
Géographie
Lien depuis theses.fr
Langues
fr
Mots-clés
République populaire de Chine
Province du Sichuan
Patrimoine mondial
Catégories du patrimoine
Appropriation du territoire
Identité culturelle
Patrimoine culturel
Patrimoine mondial culturel et naturel
Sichuan (Chine)
Chine