Organisation:Jeanne-Marie Carton-Charon, Sibylle Goepper, Paloma Otaola

Université Jean Moulin Lyon 3 – IETT –23, 24, 25 juin 2022

Le colloque «Artistes en exil» se propose d’aborder les répercussions que le départ hors du pays d’origine a eues sur les parcours esthétiques de personnalités appartenant au monde de la littérature, des arts plastiques et de la musique, et ce à différentes époques et dans différentes aires linguistiques et culturelles. Il s’inscrira dans l’axe «Migration, frontières, (dé)colonialité» de l’Institut d’études transtextuelles et transculturelles. Les langues parléesseront le français et l’anglais.

Ne serait-ce que d’un point de vue terminologique, qualifier ce «phénomène» ou cet «événement» ne va pas de soi: derrière l’emploi, par les personnes concernées, de mots qui vont de «déménagement» à «exil», on découvre toute une palette de visions et de ressentis. Les spécialistes de l’histoire des migrations ont à leur tour introduit des nuances, faisant par exemple la différence dans leurs analyses entre exil «volontaire» et exil «forcé», entre «exil proche» et «exil lointain».

Dans leurs travaux consacrés aux rites de passage, Arnold van Gennep et Victor Turner pointent trois phases: la séparation du groupe d’abord, la transition ensuite, moment où l’on a quitté le monde qui précède et où l’on se trouve à sa marge, et enfin la réincorporation, lorsque l’on réintègre le groupe, doté d’un nouveau statut[1]. L’émigration pourra ainsi être étudiée sous l’angle du «seuil» que constitue le moment charnière du départ et de l’installation dans le pays d’accueil. Lorsque l’exil n’est pas définitif, on élargira éventuellement la perspective à la période des «retrouvailles» avec le pays d’origine après la période d’expatriation.

Afin de mieux saisir la situation spécifique des émigrés dans leur nouvel environnement, on pourra s’appuyer sur les travaux du sociologue Pierre Bourdieu qui estime que les exilés, parce qu’ils sont chassés de leur champ d’origine, se trouvent dans une position inconfortable qui les condamne à être des «dominés du champ»[2]. Ces questions sont également posées, de façon plus large et positive, par la sociologue Gisèle Sapiro lorsqu’elle se penche sur les modes de capitalisation spécifiques durant l’exil, les réseaux et types de sociabilité, ou qu’elle élabore la figure d’intellectuel transnational[3].

Bien que les propositions portant sur les conditions et l’expérience pratique de l’exil ne soient pas exclues, on privilégiera l’angle esthétique pour cette manifestation. Ainsi la notion de «seuil» sera-t-elle avant tout employée dans son acception artistique, de même que les stratégies et les tactiques adoptées par les auteurs pour se repositionner concerneront essentiellement les choix opérés dans leur œuvre: écrire dans une langue plutôt qu’une autre, se tourner vers une activité de traducteur ou d’éditorialiste, composer ou peindre dans un genre particulier. Les situations symboliques, telles que l’«exil intérieur» ou l’«immigration immobile», ne seront pas envisagées.

De manière générale, on veillera à ce que tous les arts soient représentés (littérature, bande dessinée, arts plastiques, visuels, scéniques, musique, etc…) afin d’établir si la création artistique est plus ou moins impactée par l’exil selon les disciplines. On pense, par exemple, à la barrière de la langue qui n’existe pas en peinture ou en musique.

L’objectif est de travailler dans une perspective comparatiste et interculturelle pour mettre au jour des différences ou au contraire des invariants selon les lieux et les époques. La littérature des exilés est-elle «transnationale», les imaginaires sont-ils communsou la création n’est-elle en aucun cas réductible à ces catégories collectives ? L’un des principaux intérêts de cette approche sera de conduire à une publication qui dépassera les époques les plus traitées par l’historiographie actuelle (exil sous le Troisième Reich ou sous Franco par exemple), ainsi que la focalisation sur une aire culturelle précise.

On pourra s’inscrire dans l’un ou l’autre des axes suivants:

Axe 1Exil comme thème de l’œuvre:l’expérience est-elle reflétée sous l’angle d’un nomadisme libéré, d’un sentiment de désorientation et d’entre-deux, de l’acculturation? Quels sont les choix formels opérés pour en rendre compte?

Axe 2Tension entre rupture et continuité:jusqu’à quel point les œuvres se renouvellent-elles, assiste-t-on à l’intégration de nouvelles influences, voire à un renouvellement total ou faut-il plutôt parler de fil conducteur dans la variation, voire de permanences?

Axe 3Passages et transferts:peut-on parler d’acclimatation réussie, assiste-t-on à de nouvelles sociabilités artistiques, les artistes jouent-ils un rôle de passeurs entre les cultures, réussissent-ils la réconciliation, voire la synthèse de leurs différentes identités?

Axe 4Réception, canonisation et postérité:quelle réception dans le pays hôte, quelle mémoire dans le pays d’origine, la réception devient-elle internationale quand elle ne l’était pas déjà ou est-ce plutôt l’oubli qui guette?

Les abstracts de 500 mots environ sont à renvoyer pour le 1ernovembre 2021 aux trois adresses suivantes:

jeanne-marie.carton-charon@univ-lyon3.fr

sibylle.goepper@univ-lyon3.fr

paloma.otaola@univ-lyon3.fr

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