Portrait : Anna Dupuy, nouvelle membre du bureau des Jeunes chercheur·e·s du GIS Asie

« Les cendres ne doivent pas être mélangées avec les déchets », « les vêtements doivent être brûlés pour préserver les énergies de son propriétaire », « les déchets sont nocifs pour la nature », « les déchets sont polluants », « les esprits n'aiment pas les déchets », « si on les recycle, ce ne sont plus des déchets, mais une ressource »... Voici les différents discours portés sur les déchets en Mongolie contemporaine et sur lesquels travaille Anna Dupuy.

Actuellement doctorante à l'EHESS sous la direction de Frédéric Keck, elle a mené plusieurs terrains ethnographiques, d'une durée allant de 3 à 7 mois, tant en milieu rural qu'en milieu urbain, afin de comprendre les différentes manières mongoles de penser et de gérer ses déchets dans le cadre domestique. Pour cela, elle a partagé son quotidien et des discussions avec des éleveurs nomades, des villageois, des associations locales et internationales, des administrations, des étudiants et des citadins. La forte présence en ligne des mouvements zéro-déchet valorisant les 3R (réduire, réutiliser, recycler) l'a également conduite à explorer les rouages de la netnography.

Si le discours écologique du déchet comme une pollution se déploie désormais à l'échelle du globe, le travail d'Anna Dupuy s'emploie à « provincialiser » ce cadrage environnemental afin d'ouvrir un espace à une multitude d'autre perceptions et préoccupations liées au déchet : morales, modernistes, hygiénistes, productivistes ou encore traditionalistes, qui  coexistent ou se sont succédé pendant le XXe siècle. Il s'agit ainsi de comprendre les différents enjeux contemporains du déchet en Mongolie comme le résultat de processus dynamiques et de frictions entre visions globales et locales. L'objectif de son travail de thèse est ainsi de dépasser les discours associant déchets, pollution et manque de savoir-faire et de sensibilisation des populations pour comprendre les perceptions et les logiques vernaculaires en évolution.

Anna Dupuy explore un domaine encore largement ignoré par les études centrasiatiques et le premier de ce genre en contexte mongol.

Lauréate de la Bourse de terrain Martine Aublet en 2019, Anna Dupuy est actuellement vacataire chargée de TD en anthropologie à l'université Paris Nanterre. Elle a également enseigné la civilisation mongole pendant trois ans à l'INALCO et a été chargée du fonds mongol de la BULAC.