Au Laos, les programmes de lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des femmes se multiplient depuis la décennie 2000. Le pays, l’un des plus pauvres de la région, connaît une migration de main d’œuvre féminine importante vers la Thaïlande voisine, notamment dans l’industrie du sexe. Les études consacrées à la lutte contre la traite se concentrent principalement sur les discours anti-traite et se focalisent sur la répression du travail sexuel. Au contact des femmes concrètement prises en charge par ces politiques, la thèse s’appuie sur une ethnographie de long cours réalisée dans des centres de réhabilitation pour victimes de traite du Laos et des dortoirs d’usines de Vientiane et Savannakhet.
Mobilisant un cadre théorique féministe matérialiste, la thèse fait émerger le concept de «politique d’immobilisation». Le terme désigne les formes institutionnalisées de restriction des mobilités spatiales et sociales de jeunes femmes imposées au nom de leur protection et facilitant l’exploitation de leur travail. La thèse montre que le secteur anti-traite prolonge des formes d’appropriation collective et individuelle des femmes également en jeu dans l’institution familiale et sur le marché du travail. Les centres de réhabilitation et les dortoirs d’usines sont analysés comme des espaces d’immobilisation et de mise en ordre du genre créant aussi les conditions d’une remise en cause partielle de ses frontières.