Juin 2002 - De quelques raisons du Réseau Asie

Parmi les raisons qui militent pour l'organisation du Réseau Asie, il en est d'évidentes : une meilleure connaissance de la recherche française sur les problèmes asiatiques, plus d'interdisciplinarité, une meilleure représentation auprès des administrations Je voudrais insister ici sur d'autres raisons qui ont motivé mon engagement dans le Réseau Asie. Car ce ne sont pas les moins importantes.
La première est qu'un Réseau Asie doit et peut d'abord servir les jeunes chercheurs. Car ce sont eux qui ont le plus besoin de connaître les autres et de se faire connaître, ce sont ceux aussi qui peuvent le mieux profiter des occasions d'interdisciplinarité, ce sont eux enfin qui ont le plus besoin de contacts avec l'extérieur. Je crois donc que le Réseau Asie devrait dans toute la mesure du possible orienter son activité en fonction de leurs besoins : leur réserver une part essentielle dans la préparation des colloques et diffuser à leur intention les informations nécessaires sur les bourses et les postes disponibles. Il va sans dire que le Réseau Asie répondra aussi aux besoins des enseignants-chercheurs et des chercheurs seniors.
La seconde, c'est le problème Paris-province, Paris-étranger (des chercheurs de grand talent sont en poste, envoyés à l'étranger dans des institutions étrangères ou françaises). C'est un fait que Paris absorbe une large part des moyens et de la publicité. Il ne sert à rien de s'en désespérer, il faut agir : non pas par de grandes gesticulations, mais de façon réelle. Dieu merci, c'est un fait aussi qu'une partie significative des compétences se trouve en régions et à l'étranger. Le Réseau doit donc s'attacher à les inviter à venir le rejoindre, à les faire connaître, à les mettre en rapport avec les Parisiens. Il doit si possible dresser une carte de l'Asie universitaire en France aussi exacte que possible. Et tenir l'une de ses prochaines réunions dans une ville de régions.
La troisième, c'est l'Europe. Il ne faut pas se leurrer : si nous nous regroupons, c'est en bonne part car l'exemple vient d'autres pays européens et parce que les regroupements existants ne nous réservent pas toujours la place que nous estimons mériter; et c'est aussi parce qu'une partie croissante de la recherche en sciences humaines et sociales comme dans les autres domaines sera allouée dans l'avenir par des institutions européennes et au travers de coopérations européennes. Je suggère donc que des contacts soient dès que possible pris par le Réseau Asie avec ses équivalents européens, avec les grandes associations européennes spécialisées dans l'étude des différentes aires asiatiques ainsi qu'avec les grandes institutions européennes de recherche comme l'IIAS. Je suggère aussi que les informations destinées aux chercheurs dont je parlais plus haut soient ‘européanisées'.
Les jeunes, les régions, l'Europe. Il y a une logique dans ce désordre apparent. Cette logique est la suivante : par rapport à nos voisins européens (surtout en fait ceux d'Europe du nord), nos institutions d'enseignement sont sans exception pauvres ou très pauvres. Cela ne doit pas être une raison pour nous refermer sur des spécificités intellectuelles que je ne néglige pas. Cela doit au contraire nous inciter à nous regrouper, à ramasser nos forces, toutes nos forces, qui sont réelles, à concentrer l'effort sur les jeunes, sur l'avenir et à entrer pleinement, intellectuellement dans l'Europe. Car c'est en Europe que nous trouverons une partie des moyens nécessaires, mais aussi des coopérations et des exemples : par exemple, auprès de nos collègues britanniques ou hollandais, sur la façon de faire ‘fonctionner' les crédits européens !
J'ajoute un dernier mot qui concerne l'Asie. L'une de nos faiblesses par rapport à nos voisins européens les mieux dotés (sans parler des Américains) concerne l'accès au terrain, qui est décisif. En collaborant avec nos collègues européens, nous retrouverons un accès plus aisé à nos partenaires asiatiques, soit au travers de l'ASEF, soit en nous inscrivant dans les coopérations qui ont déjà été initiées par d'autres universités européennes.
Le terme de ‘coopération' n'est que la traduction administrative de quelque chose d'essentiel que la pauvreté de nos institutions interdit trop souvent : à savoir que pour travailler sur les pays et les problèmes d'Asie, il faut aussi travailler, discuter, manger, boire, vivre avec nos collègues d'Asie. Notre objet de recherche n'est pas seulement abstrait, il est aussi vivant, c'est aussi un sujet, un sujet de dialogue. Je conclus : le Réseau Asie doit être un instrument pour rassembler toutes nos forces, en nous concentrant sur les jeunes, pour nous orienter vers des coopérations européennes et retrouver l'accès au terrain et aux coopérations avec les chercheurs asiatiques eux-mêmes.

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Couverture
juin 2002
Jean-Luc Domenach, Senior Research Fellow at the FNSP (CERI) and Head of the Franco-Sino Seminar on Human and Social Sciences at Beijing (University of Qinghua)
Directeur de recherche à la FNSP (CERI) et Responsable du Séminaire franco-chinois de sciences humaines et sociales de Pékin (Université de Qinghua)